Confrontation entre un VTC et un taxi : une expérience révélatrice
Dans cet article, je partage une situation récente vécue entre un VTC et un taxi. Cette rencontre inattendue soulève des questions sur la concurrence, le service et l'expérience client. Découvrez comment cette interaction a mis en lumière les liens entre ces deux professions.
6/2/20256 min temps de lecture


Mercredi dernier, j’ai dû effectuer un A/R à Lille (depuis la Creuse) afin d’y récupérer un véhicule.
A cet effet, et en plein conflit social, j’ai eu l’occasion d’utiliser dans la même journée les services d’un VTC parisien puis d’un Taxi Lillois. Le bilan me parait assez intéressant pour que je vous le partage.
LE VTC
Mercredi matin, Paris, un RDV s’achève sur la rive droite, je dois me rendre Gare du Nord afin d’attraper mon TGV pour Lille ; le délai est un peu « short », l’option métro est irréalisable depuis ma localisation et, étant dans un arrondissement résidentiel, pas de Taxi en vue, comme souvent dans la capitale. Je réserve donc un VTC qui arrive dans les 5 minutes.
Tesla 3 en super état, chauffeur aux petits soins, RAS. Le trafic est chargé, je vais louper mon train et réserve donc le suivant, la discussion s’installe. Déformation professionnelle oblige, c’est vers son business et son auto que j’oriente les débats.
Moi (joueur…) : « Alors, pas trop compliquée l’ambiance avec les Taxis en ce moment ? »
Lui : « Franchement, non comme d’habitude ; il suffit de savoir rester à sa place »
« Ah ouais ? »
« Oui, nous avons chacun notre clientèle. Eux, ce sont surtout les touristes, les gares, aéroports, monuments ; et nous le reste. Et puis, même si on additionne Taxi + VTC, on est pas assez nombreux pour répondre à la demande en heure de pointe, on ne se marche pas dessus! »
« Vous comprenez leurs revendications vis-à-vis des pratiques de maraude ? »
« Carrément ! Soyons clairs, ils ont payé le droit et l’exclusivité, une fortune, pour avoir le droit de prendre du client à la volée, emprunter les axes spéciaux et voies de bus tout ça ; nous, même si on a pas le droit et qu’on doit rentrer à notre base entre chaque course, on s’arrange pour perdre du temps et rester dans Paris en espérant être appelé »
« En effet, à chaque fois que j’utilise Uber, une voiture arrive presque de suite »
« Oui, mais c’est pas notre but ; le truc, c’est que si on s’éloigne du centre, la plateforme ne nous missionne plus. Si on reste au centre, on est en infraction. Perso, j’habite en banlieue ouest ; si je rentre chez moi, le téléphone ne sonnera plus. En journée, quand c’est calme, les Taxis ont l’avantage, ils peuvent tourner autour des zones fréquentées et attendre le client. »
« Du coup, vous êtes presque obligé de frauder pour gagner votre vie ? »
« Oui, PRESQUE monsieur (il rigole) ; en fait, pour travailler comme un Taxi et être en règle ; je loue à l’année un parking privé au centre de la capitale. Du coup, entre deux courses, c’est là-bas que je me rends, je suis en règle… et dispo pour le client suivant! »
« Sans déconner ? »
« Benh oui, si on veut vivre, il faut rapprocher notre business de celui des Taxis, c’est le plus rentable »
On parle ensuite de la commission que prend la plateforme sur chaque course (déjà franchement moins chère qu’en Taxi même avec l’option « berline »). Il en ressort qu’il préfère mille fois travailler avec sa propre clientèle en direct. Uber lui sert de vitrine pour rencontrer de nouveaux prospects.
Enfin, je lui demande ce qui a motivé le choix d’une Tesla :
« Le prix ! Elle a 350000kms et je l’ai payé 11500€, elle ne va plus perdre beaucoup »
« Vous ne faites pas parti de ceux qui n’assument pas de rouler pour Elon Musk ? »
« Franchement, j’aime pas le bonhomme, mais je m’en fous. Avant, j’étais en Volkswagen et pourtant pas fan d’Hitler, c’est le rapport qualité/prix qui m’a convaincu. Une Tesla, c’est fiable, pas cher, ça charge assez vite et je consomme pas trop (19kWh/100 quand même le bougre 😉 ) ; si demain je trouve une autre familiale électrique au même prix avec des prestations équivalentes, je l’achèterai ; je n’ai pas d’attachement spécifique à la marque »
Le trajet s’achève ; j’ai apprécié la lucidité et le pragmatisme du bonhomme. Il est VTC mais cherche à rapprocher son business de celui d’un Taxi sans pour autant revendiquer quelconque « droit » supplémentaire ; « Chacun sa place » qu’il dit. Roule en Tesla selon des critères purement mathématiques.
LE TAXI
Arrivé à Lille, station de Taxi devant la gare, je monte dans celui en tête de ligne. Une rutilante BYD Han.
Chauffeur aussi sympathique que le précédent, le dialogue s’installe :
« Vous avez une bien belle auto ! Je ne connaissais pas le modèle, elle est splendide »
« Oui, vous avez vu un peu la finition ? Le cuir ? Les boiseries ? Ca me rappelle ma Classe E »
« Classe E ? W212 ou 213 ? »
« Une 213 en 220d, je l’adorais, mais que des emmerdes »
(Pour rappel, j’ai longuement travaillé dans la marque et continue prudemment, je suis donc « sur des oeufs »)
« Arf oui, ce ne sont plus les chars d’assaut d’antant, les gagdets sont parfois capricieux »
« Les gadgets ? Injection, boîte, ESP, j’ai tout eu ! Et y’a aucune prise en compte de notre métier »
« Il est vrai que le choix a été fait de ne plus appliquer de conditions spécifiques aux Taxis »
« Ce ne serait pas un problème si le produit était un minimum fiable ou alors à un tarif permettant d’accepter les pannes »
Je change de sujet…
"Alors, comment en être arrivé à BYD ?"
« Et benh, avant la Mercedes, j’ai toujours eu des Lexus, j’ai jamais été emmerdé, c’était bien placé en tarif et tout ; le truc, c’est que c’est pas très valorisant pour le client et je ne connais pas leurs 100% électriques, on ne gagne pas notre vie avec les touristes à la gare, mais en se montant notre propre fichier de clients qui nous appellent en direct. Il me faut donc des véhicules qui donnent envie de monter dedans ; pas pour moi, mais pour le client. C’est super important l’image. Je comprends pas les collègues qui roulent en Prius et qui se plaignent de la concurrence des VTC ; moi aussi, je préfère une belle berline noire qu’une Prius, le client est roi ! C’est pour ça que j’ai pris la BYD, elle en impose, elle est belle… et je pense que je serai moins emmerdé qu’avec la Mercedes. Au pire, l’ayant payé moins de 60k€, ce serait plus acceptable que la Mercedes qui frôle les 80/90… »
« J’ai justement pris un Uber ce matin, désolé. »
« Vous aviez vos raisons, il y a du travail pour tout le monde, on ne peut pas être partout de toutes façons »
« Figurez-vous qu’il disait la même chose… »
« J’ai été interrogé par BFM ce matin, ils m’ont demandé ce que je pensais des VTC, pour moi, ce n’est pas le débat ; ce n’est pas Uber qui bouffe ma marge, mais les charges ! »
« Ils prennent quand même une partie de votre gâteau, non ? »
« Oui, et bien c’est à nous d’être plus malins, de nous adapter et de donner aux clients l’envie de passer par nous. Regardez à Paris, la G7 a fait un truc super, ils ont mis en place une plate-forme de réservation sur le modèle des VTC, vous commandez, choisissez le type de véhicule et le taxi arrive »
« J’ai entendu ça oui, pas testé encore »
« Y’a pas de mystère, les VTC, ils ont tout compris, il faut bosser à la commande et se faire son réseau par la même occasion. Je vais m’y mettre car attendre à une gare ou un aéroport des heures, ça paie pas les charges »
« C’est drôle, parce que mon VTC de ce matin disait exactement l’inverse : il disait qu’il faut trouver des solutions pour marauder comme les Taxis pour attraper du client de passage »
Il rigole et nous arrivons dans la bonne humeur.
Cela m’inspire deux choses :
- Les artisans sont plus souvent résilients que contestataires ; ils priorisent l’innovation, observent la concurrence et s’y adaptent. Nos deux compères devraient faire connaissance !
- BYD ne fait pas d’ombre (que) à Tesla, mais aussi aux « spécialistes » allemands ; la remise en question est plus que jamais nécessaire.